Syndrome d'Angelman : Phorum

Le Syndrome d’Angelman

Auteur : Docteur Anne MONCLA
Editeur scientifique : Professeur Philippe EVRARD

Date de création : Janvier 2000

Nom de la maladie et ses synonymes
Le syndrome d’Angelman, Happy puppet syndrome, Syndrome du pantin hilare

Nom des maladies exclues
Le syndrome de Rett, le syndrome retard mental avec alpha-thalassémie, les syndromes de West et Lennox-Gastaut.

Critères diagnostiques / Définition
Appelé au cours des premières années le «Happy puppet syndrome» ou «syndrome du pantin hilare» en référence aux traits comportementaux particuliers de ces enfants, la dénomination unanimement reconnue actuellement est celle de Syndrome d’Angelman, nom du pédiatre anglais (Harry Angelman), qui l’a décrit pour la première fois en 1965 (1). Depuis sa description initiale, ce syndrome a été reconnu avec une fréquence croissante. L’étude de son expression clinique sur de grande population d’enfants a permis d’établir des critères de diagnostic reconnus internationalement (2).

Constants (100%)
- Déficience mentale sévère
- Retard du développement moteur
- Absence de langage (le niveau de compréhension est meilleur que l’expression)
- Ataxie avec démarche raide et saccadée
- Traits comportementaux particuliers: sourires et rires très faciles avec épisodes d’hyperexcitabilité se traduisant par un battement des avant-bras. Difficulté d’attention.
Fréquents (plus de 80%)
- Infléchissement de la croissance cérébrale se traduisant par l’apparition d’une microcéphalie postnatale modérée (< ou = -2DS)
- Epilepsie débutant en général avant l’âge de 3 ans
- Anomalies de l’EEG caractérisées par un tracé avec des ondes lentes de grande amplitude et des bouffées de pointes ondes, plus facilement mises en évidence lors de la fermeture des yeux
- Troubles du sommeil.
Signes associés (20-80%)
- Dysmorphie cranio-faciale (occiput plat, brachycéphalie, enophtalmie, bouche large avec dents supérieures écartées et lèvre supérieure fine, protrusion de la langue, prognathisme) présente après l’âge de 3 ans et évolutive.
- Strabisme
- Hypopigmentation oculocutanée plus évidente dans l’enfance
- Scoliose

Incidence
Elle est estimée très approximativement de 1/12 000 à 1/20 000. Elle reste à définir de façon précise.

Description clinique
Histoire naturelle
- De la naissance à 1 an :
Les enfants apparaissent normaux à la naissance avec des mensurations correctes (taille, poids et périmètre crânien). Des difficultés d’alimentation (difficultés de succion, régurgitations) peuvent être présentes durant les tous premiers mois de vie. L’enfant est souvent très souriant, mais cependant pas toujours de façon adaptée. Un examen neurologique rigoureux montre un infléchissement progressif de la courbe de périmètre crânien. Le diagnostic est réputé très difficile à cette période de la vie.
- Entre 1 et 3 ans :
Tous les signes cliniques caractéristiques apparaissent. Le diagnostic pourra donc être posé à cet âge.
- Le retard des acquisitions motrices est manifeste de même que la déficience intellectuelle. La marche est retardée, longtemps très instable. Elle est acquise en moyenne vers 3 à 4 ans (avec des extrêmes de 2 à 9 ans).
- Une ataxie est retrouvée de façon constante. Cette ataxie, associée à une hypertonie périphérique, donne à ces enfants une démarche raide et saccadée.
- L’infléchissement du périmètre crânien conduit à l’apparition d’une microcéphalie qui reste toutefois modérée (-2DS). Le scanner ou l’IRM sont normaux ou montrent une discrète atrophie corticale avec des anomalies de la myélinisation non spécifiques. La dysmorphie faciale est repérable à cet âge: une énophtalmie, une hypoplasie malaire, une bouche relativement grande avec des dents supérieures écartées, une protrusion de la langue.
- L’absence de développement du langage contraste avec une compréhension qui semble relativement meilleure. Ces enfants prononcent le plus souvent quelques syllabes plutôt que des mots avec d’importantes difficultés articulatoires.
- Leur comportement présente des traits tout à fait remarquables et constants. Il se caractérise par des rires fréquents facilement provoqués avec une hyperexcitabilité importante. Une hyperactivité avec une attention très réduite est aussi observée. Des troubles du sommeil importants sont très fréquents pendant l’enfance.
- Une épilepsie est présente dans la très grande majorité des cas (> 96%) (4). Les crises inaugurales surviennent très souvent dans un contexte fébrile. Les crises les plus fréquentes sont des chutes atoniques et des absences. Des états d’absences avec myoclonies peuvent s’observer. Ils peuvent être peu évidents à repérer surtout chez le nourrisson. L’EEG, même en l’absence de crises, présente des caractéristiques particulières. ceci mérite d’être souligné, car ces anomalies bien que non spécifiques sont une aide au diagnostic précoce. Des accès de « tremblements », en particulier, des extrémités (mains) sont très souvent constatés, survenant par périodes. Ils correspondent en fait à des myoclonies dont l’origine corticale a pu être mis en évidence par des techniques EEG particulières (5).
- Dans l’enfance et l’adolescence :
- Les signes cliniques retrouvés de façon constante sont la déficience mentale, l’absence de langage, l’ataxie avec une démarche raide et saccadée, et le phénotype comportemental. A cette période, une amélioration de certains traits comportementaux est souvent observée avec une diminution de l’excitabilité et la disparition des troubles du sommeil.
- La microcéphalie est retrouvée dans la majorité des cas. La dysmorphie cranio-faciale est plus évidente; un prognathisme apparaît. Cette dysmorphie évolue avec l’âge.
- La fréquence des crises épileptiques est variable. Une amélioration est souvent obtenue avec un traitement anticomitial adapté mais une récurrence des crises peut être observée.
- D’autres signes cliniques considérés comme mineurs sont associés; certains demanderont un suivi médical spécifique. Nous mentionnerons: les problèmes orthopédiques (scoliose à l’adolescence, pieds varus), une tendance à une prise de poids excessive.
Ce tableau clinique donne une déficience mentale sévère avec une autonomie restreinte à l’âge adulte. L’espérance de vie semble normale.
Nous avons décrit ici le tableau clinique caractéristique mais il faut souligner que des variations peuvent être observées entre les enfants (5).

Diagnostic différentiel
Le diagnostic du syndrome d’Angelman repose essentiellement sur les éléments cliniques et l’apport de l’EEG. Le respect des critères de diagnostic précédemment définis sont une aide précieuse. Chez la fille, il peut être difficile de distinguer le syndrome de Rett du syndrome d’Angelman, essentiellement dans les deux premières années de vie. L’évolution très différente du syndrome de Rett avec l’apparition des stéréotypies manuelles permet de les distinguer. Chez le garçon, le problème peut se poser avec le retard mental avec alpha-thalassémie de transmission récessive lié à l’X. La déficience mentale est ici plus sévère alors que l’épilepsie est peu fréquente.

Mode de prise en charge incluant les traitements
Une prise en charge est nécessaire. Elle doit être précoce et globale avec un soutien familial.
- Une prise en charge précoce par kinésithérapie permet de favoriser la marche.
- La prise en charge éducative et/ou orthophonique cherche à développer la compréhension (meilleure que l’expression) ainsi que la communication non verbale, gestuelle en particulier.
- Les troubles du sommeil nécessitent un traitement comportemental et médicamenteux.
- Les traitements antiépileptiques sont nécessaires en cas de crises, et le plus souvent au long court. Les plus efficaces sont le valproate sodique (Dépakine®) et les benzodiazépines (Urbanyl®). Les états d’absence myoclonique nécessitent le recours aux benzodiazépines et ne doivent pas être méconnus. Le piracétam (Nootropyl® ou Gabacet®) est efficace sur les myoclonies ainsi que sur certaines crises myocloniques.
- Un suivi médical régulier doit être mis en place pour surveiller l’apparition de certains signes cliniques: scoliose ou problème ophtalmologique. Des stimulations motrices peuvent être nécessaires à l’âge adulte pour éviter la perte de la marche.

Etiologie
Le syndrome d’Angelman est lié à différentes anomalies d’origine génétique Ces anomalies sont localisées sur le chromosome 15, dans la région 15q11-q12.
- Particularité de la région 15q11-q12 : empreinte génomique ; les gènes de la région Angelman sont exprimés sur le chromosome 15 d’origine maternelle.
- Dénominateur commun des différentes anomalies génétiques du syndrome d’Angelman : absence de contribution des gènes de la région 15q11-q12 d’origine maternelle.
- Les différents types d’anomalies :
1) Microdélétion 15q11-q12 d’origine maternelle, environ 70% des cas
2) Disomie uniparentale paternelle (les deux chromosomes 15 présents proviennent du père) environ 5% des cas
3) Anomalie de l’empreinte qui se traduit par un défaut isolé de la méthylation, environ 5% à 10% des cas.
4) Mutation du gène UBE3A dont la fréquence reste à estimer.
Il reste encore un certain nombre de patients pour lequel aucune anomalie n’est décelable.

Méthodes de diagnostic biologique
Elles reposent sur l’association des techniques de biologie et de cytogénétique moléculaire. En fonction des laboratoires, deux stratégies de diagnostic différentes peuvent être proposées ; elles sont équivalentes (6).
De façon schématique :
- La méthode de choix pour la recherche d’une microdélétion est l’hybridation in situ alors que les autres anomalies sont à rechercher avec différentes techniques de biologie moléculaire. La recherche d’une disomie, d’une délétion entre aujourd’hui dans le cadre d’une activité diagnostique de routine. Le caryotype de l’enfant reste indispensable dans ces deux situations pour dépister de rares remaniements du chromosome 15 (translocation, inversion).
- En revanche, l’exploration d’une anomalie de l’empreinte ou la recherche de mutation dans le gène UBE3A est encore du domaine d’une activité de recherche.

Conseil génétique
Il est basé sur la recherche de l’anomalie de la région 15q11-q12. Le risque de récurrence dépend de l’anomalie retrouvée.
Les situations à faible risque de récurrence (<1%) :
- délétion de novo
- disomie paternelle
- Le conseil génétique peut être rassurant pour le couple et les apparentés.
Les situations à haut risque de récurrence (environ 50%) :
- délétions héritées d’un remaniement chromosomique maternel équilibré : situation qui reste exceptionnelle mais qui montre l’importance de l’étude systématique du caryotype des parents.
- mutation UBE 3A héritée (mère conductrice)
- anomalie de l’empreinte héritée (mère conductrice) Une enquête familiale doit être proposée pour dépister les personnes à risque.
- Dans le cas où aucune anomalie moléculaire n’a pu être mise en évidence, le conseil génétique doit rester extrêmement prudent.

Diagnostic prénatal
Il est possible lorsque l’anomalie a été retrouvée chez le cas index. Indispensable en cas de risque de récurrence élevé, il peut être proposé dans les cas à risque faible et doit être discuté en fonction de la demande du couple. En l’absence d’anomalie moléculaire, aucun moyen de diagnostic prénatal n’est possible.

Questions non résolues et commentaires
Sur le plan génétique, la dissection moléculaire de la région 15 q11-q12 est encore incomplète mais fait l’objet de nombreux travaux. Deux gènes ont été identifiés dans la région minimale critique du syndrome d’Angelman: le plus récent, le gène UBE3A est probablement un des gènes majeurs impliqué dans ce syndrome mais il reste à définir le rôle des gènes des récepteurs GABA, en particulier, dans les problèmes d’épilepsie. Un certain nombre de patients ne présentent aucune anomalie moléculaire. Ceci permet de penser qu’il existe des mécanismes encore inconnus à l’origine de ce syndrome.

Bibliographie

1: Harry Angelman: « Puppet children »: a report of three cases. Dev Med Child Neurol 1965; 7:681-8.

2: Williams CA, Angelman H, Clayton-Smith J, Driscoll DJ, Hendrickson J, Knoll JHM, Magenis RE et al. Angelman syndrome: Consensus for diagnosis criteria. Am J Med Genet 1995; 56:237-9.

3:Viani F, Romeo A, Viri M, Mastrangelo M, Lalatta F, Selicorni A, et al: Seizure and EEG Patterns in Angelman’s syndrome. J Child Neurol 1995,10;6,467-71.

4: Guerrini R, Delorey T, Bonanni P, Moncla A, Dravet C, Suisse G, Livet MO, et al. Cortical myoclonus in Angelman syndrome. Ann Neurol 1996;40:39-48.

5: Moncla A, Livet MO, Malzac P, Voeckel MA, Mattei MG, Mattei JFM, Giraud F: Le syndrome d’Angelman. Arch Pediatr 1994; 1, 1118-26.

6: American Society of Human Genetics/American College of Medical Genetics Tests and Technology Transfer Comittee: Consensus for genetic testing for Prader-Willi and Angelman syndrome. Am J Med Genet 1996; 58:1085-1088.

7. Moncla A, Malzac P, Livet MO, Voelckel MA, Mancini J, Delaroziere JC, Philip N, Mattei JF. Angelman syndrome resulting from UBE3A mutations in 14 patients from eight families: clinical manifestations and genetic counselling. J Med Genet 1999;36(7):554-60

8. Moncla A, Malzac P, Voelckel MA, Auquier P, Girardot L, Mattei MG, Philip N, Mattei JF, Lalande M, Livet MO. Phenotype-genotype correlation in 20 deletion and 20 non-deletion Angelman syndrome patients. Eur J Hum Genet 1999;7(2):131-9.

Docteur Anne Moncla
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